Chroniques d’une institutrice au temps où c’était le bon temps/Chapitre 1, épisode 5

CHRONIQUES D’UNE INSTITUTRICE AU TEMPS OÙ C’ÉTAIT LE BON TEMPS

CHAPITRE 1, ÉPISODE 5

ÉPISODE 5

Nous sommes déjà en novembre, et l’automne nous apporte son lot de rhumes et de gastros. Armées de boîtes de mouchoirs et de serpillères, Catherine et moi ne faiblissons pas et notre petite troupe garde un moral intact. Bien sûr il y a des moments d’affolement, quand par exemple un élève vomit son petit déjeuner sur la table – et dans la trousse – de son voisin. Ou quand une gerbe de poulet-frites mal digéré atterrit sur le chevalet de peinture devant lequel nos Picasso en herbe exercent leur talent avec passion. Mais finalement, ces épisodes sont plutôt prétexte à des fous rires collectifs – excepté pour l’infortuné vomitif dont le teint très très vert m’incite à appeler illico presto ses parents à la rescousse.

Bref, rien que de très normal dans une classe de maternelle-CP.

#peintureabstraite

Le samedi matin, nous recevons la visite de Pierre, un enseignant qui a intégré l’équipe mobile académique de liaison et d’animation, l’EMALA pour les intimes. Enfin, le terme « équipe » est largement exagéré, puisque Pierre en est l’unique représentant. Son travail consiste, entre autres, à circuler d’une école à l’autre dans un fourgon rempli de jeux, livres et autres mallettes de découverte de tout ce qu’on veut. C’est l’occasion pour notre petite école d’emprunter du matériel – une aubaine. Et pour moi, celle de papoter avec un collègue – double aubaine.

Cerise sur le gâteau, cet enseignant se révèle être une perle rare – c’est-à-dire une personne-ressource extrêmement efficace. Pierre est en réalité titulaire du poste d’enseignant à l’école voisine de La Blanchonnière, l’Emala constitue pour lui une parenthèse dans sa carrière – il faut bien souffler un peu de temps en temps. L’année prochaine, nous serons donc collègues au sein de ce RPI, et je m’en réjouis, car il connaît le coin, les interlocuteurs à l’Inspection et les partenaires sociaux comme sa poche.

#lepèrenoëlrouleenfourgon

Débordant d’initiatives, Pierre nous organise en deux coups de cuillère à pot une série de sorties à la piscine, de A à Z : il ne me reste qu’à prévenir les parents.

Nous allons donc barboter une fois par semaine, entre midi et deux. Je ne sais comment exprimer la joie qui déferle dans la classe la première fois que nous montons dans le bus pour aller à la piscine. L’enthousiasme des enfants est contagieux : je me sens comme la fée Clochette qui les emmènerait voir Peter Pan au Pays imaginaire sur un tapis volant.

#yadlajoiedanslecielpardessuslestoits

C’est de surcroît l’occasion de pique-niquer dans la classe avant le départ. Chacun déballe son sandwich, son paquet de chips, ses Mini Babybel, ses biscuits et son paquet de bonbons. Seul un élève, Élie, contemple son repas avec stupeur. Ses parents sont adeptes d’une nourriture saine et biologique, et il vient de découvrir son sandwich : entre deux épaisses tranches de pain complet, du fromage de chèvre et de l’avocat. Quelle désolation ! Comprenant son malheur, ses camarades, prouvant ainsi leur générosité, s’empressent de lui faire don qui d’un paquet de chips, qui d’une moitié de sandwich triangle, qui d’une montagne de fraises Tagada… Il faut dire que les parents dans l’ensemble ont largement surestimé l’appétit de leurs petits ; les rations de chacun sont gargantuesques.

Pour son plus grand bonheur, Élie partagera le repas de ses camarades à plusieurs reprises les jours de sortie à la piscine, ses parents parfois amnésiques oubliant de lui fournir le sandwich avocat-chèvre honni.

#fraisestagadaforever

Notre arrivée à la piscine, ponctuée de cris d’allégresse, est très remarquée, notamment par une collègue d’une autre école qui tient ses élèves en rang d’oignons et immobiles. Comment réussit-elle ce prodige ? Mystère.

Je me dirige néanmoins dignement vers les vestiaires : je dois à peu près ressembler à une poule suivie de sa troupe de poussins. La poule en question – moi, donc – entreprend de mettre tout son petit monde en maillot de bain, fort heureusement aidée d’une maman accompagnatrice et de la fidèle Catherine. Les vêtements volent en tous sens et nous rattrapons in extremis culottes, slips et chaussettes pour tâcher de les ranger dans les sacs de chaque élève. Mon sang se glace à l’idée des parents qui retrouveraient leur enfant vêtu des sous-vêtements du voisin.

#rockandrolldesgallinacés

Nous voilà enfin parvenus au bord du bassin, cette fois très calmement, sécurité oblige. Certains enfants, n’ayant jamais mis un orteil dans une piscine, semblent fermement décidés à rester sur le plancher des vaches et se tiennent à bonne distance du bord, mais d’autres meurent visiblement d’envie de patauger. Tandis que je suis en train d’expliquer les consignes et le déroulement de la séance, je frôle soudain l’attaque cardiaque : une élève, Clara, vient de sauter à l’eau, faisant fi des plus élémentaires règles de sécurité – et d’obéissance. Dans la seconde qui suit, le maître-nageur plonge et remonte à la surface la sirène téméraire, hilare.

Je suis d’autant plus surprise que cette petite fille manifeste d’ordinaire peu d’enthousiasme pour les activités motrices. Leçon numéro un : toujours croire aux aptitudes de chacun. Qui déteste jouer au ballon, ramper sous les bancs et sauter à pieds joints dans des cerceaux peut se révéler un champion – une championne, dans le cas présent – de natation !

#nevermind

Cet article a 5 commentaires

  1. Gauthier

    J’adore trop! , je viens de tout relire et je me délecte…
    Mais jusqu’où iras-tu?. .. j’ose espérer beaucoup de chapitres avec plein d’episodes !
    Vivement la suite.
    Merci 😊 Bises

    1. Bretin

      Super ,on lit avec le sourire 😉

  2. Bretin

    Super on lit avec sourire 😉 merci beaucoup

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